samedi 28 octobre 2023

 

➤ Trentième anniversaire de l'ACAM

Quand l'histoire récente puise ses origines jusque dans la préhistoire


Souvenirs, souvenirs…" dit la chanson. Effectivement, l'heure était aux réminiscences le dimanche 22 octobre au Hall des Sports Joseph Godard de Mant à l'occasion de la célébration du 30e anniversaire de l'ACAM. 

Pour la circonstance, le président Bernard nous "a raconté une histoire…" , relatant, montages photos et vidéos à l'appui, les mille-et-unes anecdotes et les différents événements qui ont jalonné les trente années de notre association (lire article en page suivante de ce blog).


La hache polie, outil emblématique 

du Néolithique


Mais avant d'évoquer ce passé récent, l'Acam a souhaité se remémorer des temps beaucoup plus anciens de la vie du village et nous immerger au plus profond de la préhistoire mantoise. La section "Histoire & Patrimoine"  de l'association avait ainsi convié Pablo Marticoréna (photo ci-contre) de l'Université populaire du Pays Basque à venir dresser le portrait du Paysan mantois à l'ère du Néolithique. 

Docteur en archéologie, ce conférencier est spécialisé dans l'étude des origines des populations agricoles de l’ouest des Pyrénées. 

Une grande partie de ses recherches est axée sur l'étude des monuments funéraires mégalithiques tels que les dolmens et menhirs ainsi que l’analyse des silex, lames, haches polies et autres outils que recèle le sol régional. 


5800 ans avant notre ère

Ces travaux permettent ainsi d'avoir une idée assez précise sur l'incidence de l'activité humaine sur son environnement naturel. Ce phénomène - appelé anthropisation - se manifeste tout particulièrement dans cette période néolithique où commencent à apparaitre les premières sociétés de paysans. 

Vers 6 000 avant notre ère, l'homo sapiens a commencé à abandonner son mode de vie nomade pour peu à peu adopter un mode de vie plus sédentaire, utiliser de la céramique pour fabriquer des poteries et polir certains outils en pierre tels que les haches.

Dans le Bassin Sud Adour, ce processus est intervenu vers les années 5800 avant notre ère. Selon l'archéologue basque, c'est à ce moment-là que va véritablement s'établir "une nouvelle relation entre l'homme et son environnement"

C'est aussi à ce moment-là, que vont apparaitre les signes de réussite économique et sociale mais aussi « les premières inégalités, les premières guerres, les razzias , les vols.…". Autant d'événements inhérents aux nouvelles activités de production dont les règles diffèrent radicalement de la simple cueillette.

Autre illustration de cette évolution, on assiste à "la mise en place de milices guerrières pour protéger les stocks" ,  constate l'archéologue. 

Autant d'éléments qui sont l'illustration de "sociétés complexes hiérarchisées ayant des contacts , y compris à l'étranger…"


93 haches trouvées à Mant

Dans ce contexte, la hache polie apparait véritablement comme 'l'outil emblématique de cette période", assure Pablo Marticoréna. Un outil "riche en informations" qui en dit long sur la matière utilisée, les techniques de taille…

Plusieurs milliers d'entre elles ont été trouvées dans le bassin sud-Adour dont 93 à Mant. A ces haches qui constituent les trois-quarts des découvertes s'ajoutent d'autres ustensiles tels que herminettes, coins et ciseaux.

Parmi ces trouvailles, le conférencier note aussi que "quelques silex (3 ou 4%) viennent de très loin" : de Dordogne (Bergerac) mais aussi d'Italie, de Suisse, d'Espagne (Ségovie).

La présence de ces objets s'expliquerait, selon l'archéologue, par la volonté de personnages importants de cette époque de disposer d'outils de prestige, signe extérieur de richesse ou de puissance : "comme peuvent l'être aujourd'hui la Rolex ou la Ferrari… ». 

De tels objets ont ainsi été trouvées à proximité de Mant : notamment "deux perles en variscite trouvées au dolmen d'Agès à Monségur", explique le conférencier. Ces perles proviennent de la région de Palazuelo, près de Valladolid  dans le Nord Est de l'Espagne. 


Plus agriculteur qu'éleveur

La concentration d'objets préhistoriques sur un territoire atteste le plus souvent de la présence de lieux d'habitat. Lieux dont il ne reste que très peu de vestiges. Les habitations de l'époque étaient en effet réalisées à l'aide de matériaux périssables (bois, chaume…). 

Mais les indications qu'apportent ces rares vestiges sont corroborées par d'autres découvertes déterminantes pour la compréhension des us et coutumes de l'époque. Pablo Marticoréna évoquait à cet égard la découverte du corps d'Ötzi, individu vieux de 5 300 ans, qui avait été retrouvé en 1991 dans les Alpes entre l'Autriche et l'Italie

A proximité de sa dépouille, il y avait une veste, une cape, des jambières, une hache et une dague : des vêtements et équipements qui donnaient de précieuses informations sur le mode de vie du personnage.

Et les analyses effectuées a posteriori sur le cadavre livrait d'autres secrets. On apprend notamment qu'avant sa mort, Ötzi avait mangé de la viande séchée de bouquetin accompagnée de petit épeautre et d'un peu de fougères. Cette découverte confirme que les hommes de cette ère se nourrissaient de plats bien préparés riches en graisses et en protéines : ils connaissaient la technique du séchage de la viande et maîtrisait la culture des céréales. 

Il en était ainsi dans le bassin sud-Adour, "territoire très anthropisé", affirme Pablo Marticoréna, qui cite différentes interventions culturales telles que défrichements et travaux du sol déjà pratiqués à cette période.

Il y avait " même des céréales en altitude (1400m)…"  assure le conférencier. Et celui-ci d'affirmer - peut-être à l’encontre de certaines idées reçues - que les populations agricoles de cette époque n'étaient "pas trop pastoales" : la transhumance n'était pas très courante, sauf en cas de nécessité lors des années de mauvaises récoltes…

Alors, oui assurément, le paysan mantois du Néolithique était plus agriculteur qu'éleveur…

G.M